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Est-ce ainsi que les hommes vivent ?


kano761

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Un article que j'ai écrit que je voulais partager avec vous.

 

"Il y a des pauvres de l'autre côté du monde" cette vérité, on nous l’assène depuis notre plus jeune âge, la saisissant comme un prétexte pour inciter les enfants a finir leurs assiettes, les adultes à relativiser leurs peines.

Ce constat terrible c'est mué en une perception objective d'une réalité banale et acceptée, qui nous inspire autant de tristesse qu'au fond, d'indifférence.

Résultat du rapport de force et des inégalités profondes engendrées par la mondialisation, les pays du nord en voie de désindustrialisation et ceux du sud dits émergents, jamais la scène internationale n'aura été le théâtre d'une pareille sauvagerie, d'une pareille exploitation de l'homme par l'homme dans un système organisé et accepté que l'on appelle le libre échange. Kant ne disait-il pas déjà que nulle part ailleurs que sur la scène internationale, la nature humaine n’apparaît moins digne d’être aimée ? Les évolutions contemporaines internationales semblent entériner ce triste constat.

 

Quelques chiffres tout d'abord.

71 000 emplois industriels balayés chaque année en France depuis 30 ans du fait des délocalisations des entreprises dans des pays le plus souvent asiatiques, ou les ouvriers travaillent selon le Monde Diplomatique souvent jusqu’à 12 heures par jours, avec 2 jours de repos par mois, le seul syndicat toléré en Chine étant le syndicat officiel, répétant rapports après rapports que les salariés sont convenablement traités. Récemment, une indienne de 14 ans est littéralement morte d’épuisement sur les ateliers de coutures d’un sous traitant d’Hermès. Toujours en Inde, le 11 septembre 2007, la Cour suprême a autorisé le démantèlement d’un navire contenant de nombreuses substances et matériaux particulièrement nocives pour les ouvriers, les condamnant pour la directrice de la plateforme « à mourir d’accident du travail ou de maladie professionnelle tel que l’asbestose ou le cancer ».

Suite à une vague de suicides, Foxcon, le sous traitant d’Apple mais aussi d’HP, a, avec un cynisme incroyable, pour prévenir de tels évènements, placé des barreaux aux fenêtres et des matelas sous celles-ci pour amortir les défenestrations, puis a fait signer un document aux salariés, expliquant qu’en cas de suicide leur famille n’aurait droit à aucune indemnisation. Si les conditions ont étés présentées par Apple et son sous traitant comme s’étant améliorées récemment, de nombreuses sources évoquent une délocalisation prochaine… à l’intérieur de la Chine.

Mais les conséquences de la mondialisation, et la surconsommation qui est l’huile de son moteur, ne sont pas uniquement humaines mais aussi écologiques : un américain moyen émet 20x plus de gaz à effet de serre qu’un ghanéen. La Chine en est le premier émetteur mondial, et malgré les divers engagements internationaux, aucun contrôle réel n’est mis en place dans ces pays émergents afin de ne pas ralentir la croissance économique.

Mais il s’agit aussi de pillages : les chalutiers européens pêchent le poisson vendu sur le vieux continent près des côtes africaines par le biais des techniques de pêche intensive, consistant à rejeter en mer plus de 80% des poissons récupérés dans les immenses filets, épuisant à une vitesse alarmante les ressources maritimes (plus de 47 espèces sont menacées par ce type de pêche), et privant certains pays de cette ressource qui leur est vitale, comme le Sénégal dont l’économie se trouve amputée de 600 000 emplois directs. Gaz à effets de serre, continent de plastique, les dommages environnementaux sont nombreux.

 

Si le monde était un village de 100 personnes, nous serions une dizaine à posséder entre nos mains toutes ses richesses. Si le monde était un village de 100 personnes, 80 de nos frères vivraient globalement sous le seuil de pauvreté.

C’est la réalité du monde moderne. Comment en sommes-nous arrivés là ?

 

La mondialisation, caractérisée par l'ouverture des frontières commerciales mondiales, met en compétition l'ouvrier chinois face à l'ouvrier français dont le salaire est quarante fois plus élevé et qui est protégé par des normes occidentales bien plus contraignantes.

C’est dans des fourmilières humaines ou la force de travail est exploitée dans une logique productiviste aussi cynique que rationnelle, que sont fabriqués nos iPhone, cousues nos écharpes Hermès, compressés les bois de nos meubles Ikea. Du luxe aux produits de consommation courante, rares sont les biens dont nos sociétés occidentales sont friandes qui ne portent pas en eux le poids d'un esclavage moderne et mondialisé.

 

Non contentes de produire à des coûts si bas, les multinationales ont besoins de nous, consommateurs, pour continuer à produire encore et encore, il est vital pour elles que nous consommions, encore et toujours plus.

Les firmes transnationales ont ainsi acquis un pouvoir plus important que le pouvoir politique lui-même, n’hésitant plus à dicter littéralement leur conduite aux Etats. Et qu’y a-t-il d’étonnant à cela, quand on sait que la défense américaine est le plus gros consommateur de pétrole des Etats-Unis, et que BP leur fournit 80% de celui-ci ?

Mittal, après son OPA hostile contre Arcelor en 2005, obtient désormais tout des gouvernements européens : ayant ordonnés à Montebourg, comme un véritable domestique, de trouver un repreneur sous 30 jours, les méthodes du groupe ont pourtant étés dénoncées par le ministre du redressement productif et le gouvernement belge : le mensonge, la menace, le chantage.

 

Face à tout cela il serait amusant si ce n’était si regrettable de constater la propension de nos concitoyens à s’insurger contre les violations faites aux droits des personnes, à revendiquer des libertés dont nous avons vaguement entendus parler. Depuis 1984, l’association de consommateurs UFC- Que Choisir a mené 43 procédures en vue d’obtenir notamment la suppression des clauses abusives dans contrats d’abonnement aux téléphones portables ou d’accès à internet. Le 13 décembre 2008, la même association assignait Free en réparation du préjudice direct causé par la coupure momentanée de la connexion de plusieurs consommateurs. Mais personne ne s’est insurgé que les biens sur lesquels portent ces abonnement ont souvent étés fabriqués dans des conditions humaines misérables, souvent par des enfants ? N’y a-t-il pas là une forme d’indécence ? Au nom de sacro saint pourvoir d’achat nous avons fermés les yeux sur ce système inhumain. C’est à qui paiera son téléphone moins cher, qui aura économisé 30€ à la fin du mois, à qui fera condamner un opérateur ou un autre, notre combativité dans ces domaines semble sans bornes.

 

Consommer dans une société occidentale c’est faire partie d’un système global, financer et alimenter la mondialisation des inégalités. N’en déplaise à Alain Minc, conseiller économique de Nicolas Sarkozy, cette mondialisation est tout sauf « heureuse » et elle ne peut pas l’être compte tenu des réalités économiques et politiques actuelles. Aujourd'hui en Chine, 80% des dépôts bancaires sont le fait de 20% de la population assez riche pour avoir quelque chose à déposer. 830 millions de travailleurs chinois vivent avec un salaire annuel moyen de 2400 yuans (soit 287€ par an), dans un pays dont la croissance est exponentielle, ayant atteint les 8,5% en 2011, et 8,1% en 2012.

Le pays s’enrichit grâce à une force de travail invisible, exploitée et composée de centaines de millions de fourmis humaines, les marchés financiers spéculent, les banques chinoises s’enrichissent et investissent allant jusqu’à nous inquiéter: pendant la crise, elles ont rachetés une part importante de la dette Grecque ainsi que plusieurs ports, donnant à la Chine un véritable avantage en méditerranée.

 

Que la misère est laide, vue de près ! Notre rejet de celle-ci n’a eu d’égale que notre indignation, face aux tentes du canal St Martin, ou aux expulsions de rom. Mais les inégalités invisibles, qui, avec la précision d’une horloge Suisse nous apportent nos produits à chaque Noel, bien sagement sur les rayons, n’ont pas droit à cette indignation bien pensante occidentale.

Nous vivons dans un système qui produit des chômeurs au nord et des esclaves au sud, en ayant simplement un compte en banque, en payant des charges pour notre immeuble qui appartient peut être à Bouygues en toute discrétion, nous faisons fonctionner ce système. Il ne s’agit alors pas d’acheter un téléphone de moins ou une paire de chaussures de moins pour avoir le droit de s’indigner.

Nous sommes, comme les populations du tiers-monde, enchainés à cette machine immense, contraints d’en faire partie et de la nourrir, la différence est que nous en profitons, alors que d’autres –infiniment plus nombreux- en meurent.

 

Quelle société se réclamant d’être civilisée, ayant fait des droits de l’homme le socle de sa démocratie, peut accepter d’être devenue un rouage d’une machine qui broie des centaines de milliers de travailleurs invisibles, et donc de financer les Etats qui par leur laxisme violent quotidiennement les libertés fondamentales ?

On a beaucoup dénoncé, à juste titre, les horreurs de Guantanamo, celles de la Guerre en Irak ou les génocides qui ont secoués le XXe siècle, condamnant unanimement ces actes barbares et « illégaux » dans un sens large. Ne devrons nous pas condamner alors l’esclavage moderne sur lequel repose notre mode de vie, parfaitement licite ?

A moins que notre conception des droits de l’homme et de la dignité humaine se limite, à la manière de la démocratie athénienne, à nos semblables, à savoir les occidentaux ?

 

Doit-on pour autant se résigner, comme beaucoup de nos concitoyens, à se taire et à profiter en silence de ce système qui repose sur l’exploitation humaine, la violation de sa dignité et les préjudice aussi nombreux qu’irréversibles causés à l’environnement ?

 

Non.

 

Tout d’abord, ainsi que le soulignent de nombreux économistes, pour sortir de l’impasse il est urgent de mettre en place un protectionnisme européen, qui se caractérise par des taxes massives à l’importation.

Le jeu des délocalisations a fait perdre à la France 500 000 emplois entre 2000 et 2010. Le jour ou acheter un meuble importé de Chine reviendra, grâce au système fiscal adéquat, plus cher que d’acheter un meuble fabriqué idéalement en France ou éventuellement dans l’Union Européenne, les entreprises n’auront plus d’intérêt à partir, mais auront tout intérêt à embaucher des travailleurs Français et Européens. Il suffit d’observer les puissances majeures actuelles pour s’en convaincre : La Chine, les Etats Unis, le Brésil qui a poussé cette taxe jusqu’à 30%, il n’est pas une seule puissance qui aujourd'hui ne se replie pas sur elle-même pour sauver ses emplois et son industrie. Seule l’Europe, véritable « idiot du village mondial » continue dans cette veine absurde et autodestructrice de valorisation de la libre concurrence et du libre échange.

A la critique selon laquelle aux pays du tiers monde se substitueraient les pays de l’est, il est possible de répondre que contrairement aux pays émergents la Roumanie, Bulgarie et consorts, sont liés par les conventions européennes protectrices des droits fondamentaux et ont un véritable espoir de devenir à terme des partenaires économiques stables, et que les 200€ qui constituent le salaire minimum mensuel en Roumanie sont toujours préférables aux 200€ que des millions de chinois gagnent en un an, et la proportion compte tenu du pouvoir d’achat moyen n’efface pas cet écart de pauvreté.

 

C’est justement cette notion de libre échange qui amène au second remède permettant de déconstruire ce système malade au rythme de production insoutenable : il s’agit de remplacer le libre échange par le juste échange.

Les puissances occidentales passeraient alors des accords bilatéraux avec chacun des pays émergents afin que soient garantis pour les travailleurs le respect des droits énoncés par l’OIT, le respect de leur personne et de leur dignité. Forte de ses 500 millions de consommateurs, l’Europe dispose d’un poids considérable, et se priver d’un tel marché serait une vraie perte pour les firmes transnationales et a fortiori pour les pays émergents qui dépendent directement d’elles pour assurer leur croissance. Ainsi ces acteurs n’auraient pas d’autre choix que de se plier à de telles règles, l’Europe posant comme condition de relations commerciales le respect de l’OIT et des droits fondamentaux.

Projet utopiste ? Les Etats-Unis ont, dans cet esprit, passés un accord bilatéral avec le Cambodge, conditionnant leurs relations commerciales au respect d’un socle de règles minimum de protection des travailleurs cambodgiens, prévoyant la possibilité d’une visite surprise d’un inspecteur du travail, le contrôle du respect des normes sanitaires… La question des effets actuels d’un tel accord importe moins que son existence qui témoigne du réalisme d’une telle ambition.

 

Le troisième projet est aussi ancien que le libre échange lui-même, et plus nécessaire aujourd'hui qu’il ne l’a jamais été. Défendue par des ONG comme ATTAC, par des économistes comme Joseph Stiglitz (prix Nobel d’économie, 2001), la taxe Tobin consiste à prélever, sur chaque transaction internationale, un montant approchant les 1 centime d’euro.

Vous ou moi ne souffririons probablement pas d’une telle taxe sur notre budget personnel, cela ne pourrait pas peser sur des transactions portant sur des milliers, des millions, des milliards d’euros, de yuans, ou de dollars.

Les gains ainsi réalisé pourraient servir de diverses manières : aide internationale, réindustrialisation, soutient de la transition écologique…

 

Mais ces solutions ont un coût qu’il faut garder à l’esprit, et que les rares politiciens favorables à certaines de ces mesures oublient souvent de préciser. Le gouvernement actuel, qui s’est montré aussi lâche que ces prédécesseurs, incapable de faire face aux grandes puissances financières, menteur et irresponsable, a néanmoins pris une décision courageuse, en taxant massivement les importations de faïence chinoises, en vue de sauver cette industrie française notamment à Limoges. Le résultat à été sans appel : tous les emplois ont étés maintenus et les entreprises qui projetaient de délocaliser leur activité y ont renoncé. Mais le prix d’une assiette en faïence a doublé.

Payer un travailleur français, qui travaille dans une entreprise française, entraine des coûts de production massifs et donc un produit final considérablement plus cher. Le micro-exemple de la faïence, illustre qu’un protectionnisme européen entrainerait une hausse généralisée de tous les prix, du moins pendant quelques années, jusqu’à ce que, les emplois revenus, les usines rouvertes, la croissance relancée, les salaires augmentent en conséquence.

 

Pourtant, tout forme un ensemble parfaitement cohérent : nous consommons trop.

La consommation organisée par la mondialisation est la cause directe des préjudice environnementaux et humains faits au monde. Dans « Facteur 4 », Lovins et Weisacker démontrent qu’il nous est possible de consommer à un rythme 2 fois moins élevé et de conserver notre précieux niveau de vie, démontrant au passage la fausseté des thèses assimilant sous-consommation et retour à la chandelle, surconsommation et progrès.

Il est même possible d’aller plus loin : je crois qu’une baisse de la consommation, non seulement ne dégraderait pas notre niveau de vie mais améliorerait-même celui-ci.

Il n’y a jamais eu autant de moyen de communiquer pourtant une enquête menée en mars 2012 révèle que 53% des français ressentent un sentiment de solitude subie et la chercheuse Anne Battestini porte ce chiffre chez les jeunes à 55%.

Jamais nous n’avons eu autant de possibilité de nous fédérer atour d’un message commun, pourtant le repli identitaire est de plus en plus important, les ventes sur les livres d’histoire explosent, les partis politiques extrêmes montent.

Les causes sont certes diverses et nous emmèneraient trop loin, pourtant le déclin des valeurs, de la solidarité n’est-il pas en grande partie liée à la mondialisation du marché donc de la culture ? Toute une génération a appris à éduquer des Pokémons, créatures sauvages arrachées à leur milieu naturel dans le but de les enfermer dans des boules, ne les laissant sortir que pour combattre, jusqu’à l’épuisement.

Toutes les rides doivent disparaître, les femmes doivent être minces et maquillées, les hommes musclés et performants : le culte de l’argent roi, de l’efficacité et de la productivité n’ont pas seulement pénétrés nos maisons mais aussi nos cœurs, nos âmes, nous n’achetons pas juste un emballage, mais une philosophie, un message.

 

Pourtant il est possible de mettre fin à cette folie, à cette fièvre qui a gagnée la terre, il est possible, ensemble, de se battre pour un monde plus juste, plus solidaire, pour une société plus belle une société dont nous n’auront pas honte face à l’histoire.

Un jour nous serons 3 millions dans la rue, à demander une véritable taxe sur les transactions financières, un protectionnisme européen, des conditions de travails dignes pour chaque homme, pour chaque citoyen du monde.

Un jour viendra ou notre voix portera, ou toutes les personnes qui se sont murés dans le silence et la complaisance apparaitront comme les complices du système le plus démesuré et extrême qui soit, un jour viendra ou nous seront fiers du monde qui nous entoure.

 

Quand la tolérance devient une complicité dangereuse, l’indignation se transforme en devoir.

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Beaucoup de vrai dans ce que tu dis, c'est bien écrit !

 

Après le problème c'est que pour mettre en place tout ceci, ça va être dur. La taxe sur les importations parait la meilleure solution pour lutter contre la délocalisation, mais les produits français coûtant cher, cela va poser problèmes... les gens ne verront qu'une taxe de plus qui fera qu'on devra payer plus cher. Il faudrait peut être alléger les taxes françaises pour compenser l'augmentation du prix des produits étrangers... sinon ça va grogner !

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  • 2 weeks later...

Catalan En effet les solutions sont perfectibles et forcément discutables. Maintenant en regardant l'histoire je ne sais pas si la voix du peuple est toujours bonne conseillère... mais ça grognerait, c'est sur. Il y a aussi des choses à faire sur les marges que se réservent certains constructeurs !

PAYMBF sens toi libre de le partager autant que tu le souhaite ! Aucun soucis au contraire !

 

Merci à vous deux pour votre lecture et vos réactions !

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