Un peu plus tôt ce mois-ci, le ministre de l'Économie et des Finances français Bruno le Maire a
annoncé qu'une taxe spécialement destinée aux grandes entreprises du numérique (Bruno le Maire a spécifiquement cité les GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon) serait bientôt créée au niveau européen, avec un prélèvement directement calculé en fonction du chiffre d'affaires et non du bénéfice. Avec un taux de taxation situé entre 2% et 6%, il s'agirait d'une mesure temporaire, en attendant une réforme en profondeur de la fiscalité européenne. Pour Pierre Moscovici, commissaire chargé des affaires économiques et financières, de la fiscalité et des douanes,
« Nos règles mises en place avant l'existence d'internet ne permettent pas aux États membres d'imposer les entreprises numériques opérant en Europe lorsqu'elles n'y sont présentes physiquement que de manière limitée ou pas du tout. Cette situation représente pour les États membres un trou noir qui s'agrandit toujours plus, puisque la base d'imposition s'érode. C'est la raison pour laquelle nous proposons une nouvelle norme juridique et une taxe provisoire applicable aux activités numériques. »
La Commission européenne a finalement présenté
deux propositions de mesures hier. Avec un taux qui serait finalement de 3%, la taxe évoquée par Bruno le Maire devrait s'appliquer dans trois cas bien précis : les produits
« tirés de la vente d'espaces publicitaires en lignes », les produits
« générés par les activités intermédiaires numériques qui permettent aux utilisateurs d'interagir avec d'autres utilisateurs et qui facilitent la vente de biens et de services entre eux », et les produits
« tirés de la vente de données générées à partir des informations fournies par les utilisateurs ». Ce qui permettrait de rapporter environ 5 milliards d'euros par an pour les États membres... mais ne concernerait pas (ou très peu) Apple, Amazon ou Microsoft.
Colonne de drapeaux devant la commission européenne, à Bruxelles
En revanche, la seconde proposition devrait avoir un réel impact sur les finances d'Apple. Plus pensée pour le long terme, elle prévoit pour les États membres de pouvoir taxer les bénéfices qui sont réalisés sur leur territoire même si l'entreprise n'y est pas présente physiquement. C'est par exemple le cas des boutiques en ligne dématérialisées d'Apple, qui sont aujourd'hui domiciliés au Luxembourg. Pour qu'une entreprise puisse être considérée comme ayant une « présence numérique imposable », elle devra satisfaire au moins un des critères suivants :
« générer plus de 7 millions d'euros de produits annuels dans un État membre »,
« compter plus de 100 000 utilisateurs dans un État membre au cours d'un exercice fiscal », ou
« plus de 3000 contrats commerciaux pour des services numériques sont créés entre l'entreprise et les utilisateurs actifs au cours d'un exercice fiscal ». La firme de Cupertino ne devrait donc pas pouvoir y échapper.
Ces deux propositions législatives vont maintenant être soumises au Conseil pour adoption et au Parlement européen pour consultation. Les discussions promettent d'être compliquées : un tel changement aurait un impact négatif non négligeable sur la fiscalité de certains pays (comme l'Irlande ou le Luxembourg, qui hébergent de nombreuses entreprises concernées) et son adoption nécessite une unanimité. Alors que les élections européennes sont prévues en mai 2019, on imagine mal un tel chambardement aboutir aussi rapidement. Affaire à suivre !
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Appletea
22 mars 2018 à 09:59
Il est grand temps d'avoir une fiscalité européenne uniforme.. cela éviterait cette concurrence déloyale pratiquée dans presque tout les domaines par des entreprises installée officiellement dans les pays de l'est par exemple...
Ludo-le-ludo
22 mars 2018 à 11:56
Pour moi, l'absence d'uniformisation fiscale en Europe est le plus gros échec de l'UE...
Baraka
22 mars 2018 à 12:59
@ Appletea
Vision utopique au mieux, les interest des pays europeens etant contradictoires en fonction de leurs choix economiques. Si c'est pour que l'enemble de l'UE s'aligne sur la fiscalite francaise... Merci, mais non merci. Et j'imagine mal la France se reformer completement pour jouer selon les regles communautaires. Ceci vaut evidemment pour tous les autres pays.
Jef
22 mars 2018 à 13:01
il y a tout de même une énorme différence entre Apple qui vend des produits que ne produisent pas les entreprises françaises, et Google qui pille la trésorerie de nombreuses entreprises françaises obligées de reverser une part, parfois importante, de leur chiffre d'affaire pour avoir le droit d'exister sur internet . Ce terme GAFA n'est qu'une énorme ânerie qui montre à quel point les journalistes et hommes politiques ne comprennent rien à ce qui se passe.
VanZoo
22 mars 2018 à 13:28
Y a peu de chances que la loi passe, il faut l’unanimité des membres. Et certains ont peur du retour de bâton US (par exemple, sur d’autres taxations)
Idem
22 mars 2018 à 19:42
Il suffit d'arroser un max le représentant de l'un des pays. Je ne donnerai pas d'exemple mais il est clair que l'unanimité est quelque chose de fragile.
5? 10 Millions? pour eux ce n'est rien. 10% avant, 90% après. Facil.
aexm
23 mars 2018 à 08:53
Ca serait pas plus simple de leur imposer une activité localisée …
Le principe des services numériques (et donc ce qui n'est pas prévu dans les lois) repose sur la dématérialisation …
J'entends pas la que chaque service vendu en EU ou FR soit localisé dans le pays de la vente.
Et devient donc taxable …
Vous allez me dire, ils vont contourner … oui mais ca sera illégal !